Le bleu d’azurite

… Et le bleu ? 

C’est une des questions qui nous revient le plus souvent je pense, lors de nos démonstrations et ateliers. Et c’est une très bonne question car les sources de bleu à l’état naturel sont rares. Celle qui nous intéresse aujourd’hui est le bleu d’azurite.

Le bleu d’azurite… Un peu de contexte !

Pour la période médiévale, on mentionne souvent l’emblématique bleu outremer obtenu par le broyage et le raffinage de la pierre lapis lazuli. On oublie plus souvent de mentionner l’azurite alors que cette pierre était la source de bleu la plus utilisée pendant la période. Malgré tout, sa stabilité n’est pas la meilleure, sa teinte pouvant virer au vert (la pierre peut se transformer en sa cousine, la malachite. Nous avions mentionné ce phénomène dans notre second article sur cette belle pierre verte, et les fresques de Giotto). 

Ce bleu azur, moins chaud que l’outremer, était à l’époque bien plus facile à transformer en pigment et surtout, bien plus facile à obtenir, puisque des gisements européens étaient disponibles (ex : La Mine Bleue de Chessy-les-mines, dans la région lyonnaise). L’azurite était ainsi une source de bleu profond, vif et beaucoup moins onéreuse que le lapis lazuli. 

Cette pierre est souvent nommée “pierre d’Allemagne” ou “bleu d’Allemagne” dans les manuscrits médiévaux. Pline l’ancien lui, la nomme “armenium”. Le bleu de l’Azurite (fomule : Cu3(CO3)2(OH)2) provient du cuivre, d’où cette teinte assez froide, qu’on retrouve par exemple dans le bleu d’egypte, ou dans le très actuel « bleu phtalo ».

Cennino Cennini, peintre italien de la toute fin du XIVème siècle mentionne la façon de broyer ce pigment dans son manuscrit, mais c’est l’auteur anonyme d’Arte illuminandi qui décrit la procédure avec le plus de précision. Ce sont ces indications que nous avons suivies dans nos expérimentations de bleu.

Bleu azurite

L’azurite en pratique 

La première étape consiste à concasser et broyer la pierre au mortier en laiton. Opération relativement simple car elle s’avère plutôt friable et n’a pas une grande dureté.

Une fois la pierre réduite en poudre fine, nous avons effectué un premier lavage. Le grain de notre pigment était encore grossier, un broyage plus fin à la molette serait de toute façon nécessaire.

Nous avons choisi à ce stade de mettre à l’épreuve les indications de arte illuminandi. Il est décrit dans l’ouvrage qu’une fois broyée à la finesse voulue dans l’eau gommée, le pigment doit être lavé de ses impuretés pour ne garder que le bleu le plus pur. On obtient ce résultat par lévigation et en répétant l’opération jusqu’à obtenir un résultat satisfaisant. 

Nous avons donc choisi de broyer notre pigment à la finesse voulue… Et d’en faire un échantillon non lavé ! Le reste du pigment sera lui, lavé, lévigé et décanté comme préconisé. 

Le résultat parle de lui-même. Le godet non lavé présente un aspect grisâtre, il se déphase… Et sur le papier, c’est encore plus évident : les différentes phases granulent et donnent un résultat qui est loin de celui recherché (même si on peut lui trouver un intérêt…)

Pour continuer l’expérience, nous avons tenté de rebroyer le pigment après son lavage, et la couleur redevient cendreuse et se déphase. Ce qui nous a mis la puce à l’oreille pour la Malachite dont Cennini dit que si elle est trop broyé à la pierre, la couleur devient cendreuse… C’est à peu près le même principe : Pour une belle Malachite/azurite, il faut broyer au plus fin, laver longuement et ne pas repasser la molette si on ne veut pas salir sa couleur.

A noter que Arte illuminandi précise qu’au lavage de l’azurite, on perd de la matière, mais que c’est inévitable. C’est effectivement ce que nous avons constaté : Nous avons essayé de récupérer le maximum, mais ce qu’on récupère au delà d’un seuil est de qualité bien moindre.

Bleu d'azurite pierre
Pigment bleu d"azurite
bleu d'azurite
La déposition de croix, fragment, Giotto, 1305

Pour conclure cette expérience, voici quelques images de ce magnifique bleu, sur des œuvres médiévales.

 

Bibliographie : 

 

  • Il libro dell’arte, Cennino Cennini
  • Arte Illuminandi, Anonyme, traduction de Louis Dimier

Pour aller plus loin : 

 

-Retrouvez nos articles sur la pierre soeur de l’azurite, la malachite qui donne un vert magnifique. L’article n’ayant pas encore été rapatrié sur le site, vous pouvez aller les lire sur notre page facebook : première partie, et seconde partie.

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