Transformation d’un bloc de terre en pigments

Le minéral, le sol : c’est les mains dans la terre qu’on trouve la source la plus simple, la plus durable et la plus ancienne source de couleurs.

La palette minérale est incroyablement étendue… Rouges, jaunes, ocres, verts, bruns chauds, gris, bruns froids, noirs… Et chacune de ses nuances peuvent en produire encore de nouvelles si on les chauffe.

Les ocres et les terres sont probablement les premières sources de couleurs utilisées par les artistes. Les peintures pariétales qui ornent les parois des grottes depuis des millénaires en sont un beau témoignage.

Ces pigments sont utilisés depuis des centaines de milliers d’années, et le sont encore aujourd’hui. Ces nuances sont encore aujourd’hui des indispensables de la palette des artistes.

On trouve les ocres à l’état naturel. C’est une roche très tendre composée en grande partie d’argile et colorée par un oxyde de fer. C’est l’hématite qui donne sa couleur à l’ocre rouge, la limonite pour la brune et goethite pour la jaune. On y retrouve également du quartz en proportion variable. Le tout va prendre une texture friable, crémeuse parfois si elle est humide, et plus ou moins dense.

J’aime beaucoup un passage du livre de Cennino Cennini, il libro del arte, où le peintre italien décrit les différentes façon d’obtenir les diverses couleurs. Dans ce passage, il parle de l’ocre et en particulier de sa rencontre avec une veine de terre jaune dans une grotte connue de son père :

« « […] un jour étant conduit par Andrea Cennini, mon père, allant à travers champs vers le col de Valdelsa [….] . Arrivé dans un petit vallon à une grotte sauvage, je raclai la grotte avec un outil, et je vis différentes veines de couleurs telles que l’ocre, la sinopie obscure et claire, de l’azur et du blanc […] retournons à la couleur ocre. J’allais avec mon couteau à la veine, et je promets que jamais je ne dégustai une couleur plus belle et plus parfaite [… ] pour les cheveux et les vêtements, comme je te renseignerait plus avant, jamais meilleure couleur que cette ocre n’exista. »

Ces pigments ont le grand avantage de résister à la lumière et d’avoir un traitement simple pour les obtenir. Malgré cette simplicité de traitement, des couleurs voyagent depuis longtemps : certains gisements produisent des couleurs bien plus belles et les artistes de toutes les époques n’ont pas hésité à faire voyager ces pigments. C’est le cas du célèbre « rouge vénitien » dont on utilise encore l’appellation qui voyageait bien au delà de ses frontières. Aujourd’hui, ces terres naturelles sont bien souvent remplacées par des oxydes de synthèse.

Ici, nous allons extraire de la couleur d’un morceau de terre récolté à Lanvéoc. Il faut d’abord concasser au marteau le bloc dur et sec de terre. Cette étape permet de faire un premier tri des parties colorées, certaines ayant une teinte plus intéressante que d’autres.

Les blocs sont ensuite passés au pilon puis mis à tremper dans l’eau. Il s’agit alors de dissoudre et écraser tout les grains de terre. Une fois l’ensemble de l’échantillon de terre entièrement dissout, on passe à l’étape de la « lévigation ». Cette technique consiste à séparer des éléments dans un liquide, en récupérant la partie qui surnage. On prend le soin d’évacuer les éventuels déchets organiques (branches, feuilles) qui flottent à la surface, puis on remue le contenant doucement et on verse l’eau boueuse dans un autre contenant.

Mélangé à l’eau, la terre se sépare en deux parties différentes. La première partie est un sable lourd, constitué en grande majorité du quartz et des autres roches éventuellement prises dans le bloc de terre, qui vont tomber au fond. L’autre partie est constituée de l’argile colorée va surnager dans l’eau. Il faut alors recueillir le liquide coloré en transvasant dans un second contenant pour se débarrasser des quartz indésirable dans le pigment. On peut répéter l’opération pour ne garder que l’ocre le plus fin.

La dernière étape consiste à laisser décanter, ou mettre en filtre pour une action plus rapide, et laisser sécher la matière obtenue qui pourra être broyée plus finement à la molette.

Nous avons traité et lavé deux ocres différent récoltés localement lors de notre dernier atelier, dont nous avons mis quelques photos en ligne dans un autre article de blog.

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