La laque de garance, partie 1

La laque de garance, à la rencontre d’un pigment mythique…

La garance est une plante tinctoriale dont on a des traces de l’utilisation en teinture comme en peinture depuis l’antiquité en europe, et au moins depuis 3000 ans en Inde. Elle permet en teinture d’obtenir de magnifiques rouges d’une très bonne durabilité dans le temps.

Cette plante tinctoriale (dont on utilise la racine) est également utilisée depuis pour obtenir la célèbre “laque de garance”. Un pigment-laque ou pigment laqué est un colorant associé à un support minéral inerte qui le rend insoluble.

La laque de garance est une couleur emblématique de l’histoire de l’art, des fresques de l’antiquité aux glacis de Renoir. Ce rouge profond, rosé et translucide est encore aujourd’hui vendu dans de nombreuses gammes de peinture, de l’huile à l’aquarelle. Mais si la teinte est encore un classique des palettes de peintre, l’utilisation de laque de garance véritable comme pigment est aujourd’hui anecdotique (on le reconnaît au numéro NR9 dans le color index), remplacé depuis la fin du XIXème siècle au profit de l’alizarine synthétique, bien moins onéreuse à produire.

Comme la malachite, peu de recettes de laque de garance sont présentes dans les manuscrits des maîtres médiévaux et antiques. Mais elle reste citée quelques fois, par Vitruve qui la décrit mélangée à de la craie (donc une laque à base de carbonate de calcium) ou encore par Eraclius, dont la recette sera reprise dans la compilation de Jean Lebègue au XIVème siècle.

On trouve malgré cette absence de recettes dans les manuscrits connus, des traces de laque de garance dans de nombreuses analyses archéologiques de sculptures polychromes (notamment les ivoires), de peintures et d’enluminures. L’analyse spectrographique mettant en lumière une très forte présence des laques rouges (garance, kermès, bois de brésil…) dans toute la sculpture polychrome médiévale. Elle est utilisée en glacis (couche translucide posée par dessus les autres) pour donner de la profondeurs aux autres couleurs. Parfois elle est même passée par dessus la feuille d’or pour en donner une teinte subtilement différente.

Cette couleur est emblématique aujourd’hui pour quiconque s’intéresse à la chimie de la couleur, en teinture comme en peinture. Et je dois avouer qu’elle nous a donné du fil à retordre ! Et les expérimentations se poursuivent encore… Nous en sommes à notre 5ème essai. Et si la couleur du pigment obtenu avec nos dernières recettes est plus que satisfaisante, nous continuons nos expérimentations pour obtenir le meilleur ratio quantité de pigment/teinte/texture.

Pour aller plus loin…

-Vous pouvez retrouver quelques photo de laque de garance mise en pratique dans l’article de notre dernier atelier « fabriquez vos pigments » (mars 2024).

Voici quelques sources concernant l’histoire de l’art et l’utilisation de la laque de garance dans l’art médiéval et l’antiquité :

Polychromie, histoire de l’art, Adeline GRAND-CLÉMENT.

Étude des couleurs dans la polychromie des ivoires médiévaux, M. Bernard Guineau

La polychromie de la sculpture médiévale française, xiie-xve siècles. Bilan des examens et analyses entrepris au C2RMF, Anne-Solenn Le Hô and Sandrine Pagès-Camagna.

Identification de colorants organiques naturels dans des fragments de peintures murales de l’Antiquité –  Vincent Guichard et Bernard Guineau

 

Dans les images qui suivent, les enluminures montrent des teintes rouge-rosé que l’on peut attribuer à une laque de garance. Cependant, à l’époque médiévale, d’autres laques végétales permettent d’obtenir des nuances similaires (bois de brésil, kermès…) et il est difficile de savoir avec certitude laquelle à été utilisée dans une peinture.

laque de garance
Pigment de laque de garance au stade de filtrage.
laque de garance
Six pots de terre contenant des pigments romains utilisés pour la peinture de fresque. Ils sont datés du 1er siècle avant JC, retrouvés dans une tombe en Egypte à Harawa. British Museum. Le rose à été identifié comme de la laque de garance.
laque de garance
Partie d'une fresque de la "Villa des Mystères" de Pompei.
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